La dictature de l’auteur unique

 


Sympa, l’exposition sur Jacques Prévert à l’Hôtel de Ville, tronçonnée en grosses thématiques (le surréalisme, la poésie, le cinéma, la photo …). Bon, j’aurais aimé en voir beaucoup plus sur l’activité de scénariste de Prévert mais l’exposition se présente plus comme un tour d’horizon ludique que comme un vrai examen de son travail. Un détail me gêne quand même : pourquoi la personnalité de Prévert éclipse tant les réalisateurs avec qui il a travaillé ? Pourquoi sans cesse enlever tout mérite à Marcel Carné (régulièrement rabaissé au rang de "bon technicien") dans la conception de leurs films communs ? Pourquoi, plutôt que de nous parler d’une collaboration fertile et fructueuse entre un scénariste et un réalisateur (ce qui ferait une belle histoire à raconter aux étudiants en cinéma avant d’aller dormir), les historiens s’acharnent à délimiter la part de chacun ?

Je devrais être content qu’un scénariste soit mis en avant pour une fois, mais non. Ca ne sert à rien de dire que l’un doit tout à l’autre, il faut juste accepter que le cinéma est une affaire de collaboration. Je sais, c’est dur. Mais faire un film est une entreprise tellement énorme qu’on peut quand même accepter  qu’il faille parfois deux personnes pour en venir à bout.  Seulement au lieu d’exalter la magie de l’alchimie, de la complicité artistique (je vous passe les violons) et d’admirer le produit fini, on cherche des poux à la postérité à tenter de chercher le SEUL, vrai auteur d’un film, réduisant des grandes réussites à des querelles d’égo posthume … Et on se doute qu’avec un auteur entouré d’une telle aura d’unanimité comme Prévert, ce genre de débat est perdu d’avance. En conclusion, question : qu’y aurait-il de gênant, dans le cinéma, à parfois célébrer, au lieu des grands hommes, les grandes associations ?

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